Titre : Une
journée d'Ivan Denissovitch
Auteur : Alexandre
Soljenitsyne
Traducteurs :
Lucia et Jean Cathala
Genre : Roman,
Témoignage
Public : Tout
Public
Éditeur : Robert
Laffont
Collection :
Pavillon Poche
Date
de Parution : Mars 2010
Nombre
de pages : 238
Format : 122
x 182 mm
Prix : 7,00
€
ISBN : 978-2-221-11561-9
Mon
Analyse :
L'importance
du témoignage
Joseph Staline (1878 - 1953) |
Dans
Une journée d'Ivan Denissovitch, nous découvrons la première
tentative d'Alexandre Soljenitsyne de nous décrire et nous faire
vivre le quotidien qu'il a pu enduré dans les camps de travaux
forcés soviétiques. Son combat contre le totalitarisme stalinien
commence enfin à être entendu lorsque Khrouchtchev entame la
déstalinisation du pays vers la fin des années 1950. Mais très
vite, son engagement dérange, si bien qu'il est déchu de sa
nationalité pour son œuvre engagée contre le régime qui lui
voudra en revanche la reconnaissance en Occident avec un prix
Nobel de Littérature en 1970. Si ce roman s'avère être le
premier, il n'en reste pas moins déjà très riche en éléments
concrets et emprunts au réel. Lire Soljenitsyne, c'est déjà
s'ouvrir à tout un témoignage sur le Goulag.
On y découvre, en la compagnie d'Ivan Denissovitch Choukhov, une
journée-type dans ces camps de Sibérie. On y apprend ce qu'un
détenu, là-bas, ça s'appelle un zek par exemple et
on y suit les travaux de maçonnerie du héros, ses petites astuces
pour doubler sa ration, se préserver du froid, tous ces ruses
quotidiennes qui pourront, peut-être, lui permettre de survivre
avant qu'on prolonge à nouveau sa peine pour d'obscures raisons.
Une
peinture humaine
Une
langue sèche et poétique
Enfin,
on retiendra surtout la prose particulière qui nourrit ce
texte. Sans aucun chapitre, le récit progresse comme défilerait
une journée au côté d'Ivan Denissovitch, personnage parfois
naïf sur le monde qui l'entoure. Et l'ignorance devient poétique.
Le héros s'émerveille ainsi devant une lune qui meurt
progressivement chaque nuit avant de renaître le mois suivant. Ses
propos sont parfois malhabiles, plutôt familiers mais jamais
inutiles. On parle peu au camp, si ce n'est pour organiser le
travail, la distribution des repas et surtout pour s'entraider et
rester humain. Le narrateur lui-même prend parfois forme et n'hésite
pas à gueuler sur les surveillants, encourages les camarades
détenus. Et si, ce parler rugueux, si sincère était la voix de
Soljenitsyne prisonnier ? L'écrivain russe, plus qu'effleurer
les fantômes de son passé parle à son lecteur d'aujourd'hui pour
que la mémoire ne s'éteigne pas avec lui. Pari réussi. Parti en
2008, le dissident fait encore parler de lui et de ses compagnons
d'infortunes. Et quoi de plus actuel qu'un auteur méfiant de
l'expansionnisme soviétique avec ce qui vient de se passer en
Crimée...
Ce
roman traite d'un sujet aussi difficile que le Goulag avec
pourtant une certaine légèreté emprunte à son personnage
principale qui relativise ses journées avec de petits détails qui
lui permettront pourtant de survivre jusqu'au jour suivant. C'est un
témoignage qui m'a beaucoup touché, je dirai plutôt ému. Il ne
s'agit pas ici de faire pleurer dans les chaumières mais plutôt
d'apporter un récit de vie d'une manière présupposée légère
alors qu'on sent poindre déjà toute l'ironie incisive de
Soljenitsyne. Une journée d'Ivan Denissovitch est à mon
humble avis un pire chef d'œuvre pour sa simplicité – son
authenticité – et, de fait, pour son accessibilité. Je le
recommande chaudement.
Ma
citation favorite :
Alexandre Soljenitsyne
(1918 - 2008)
|
–
Écoute voir,
commandant, dans vos idées de science, où elles vont les vieilles
lunes ?
–
Où vont-elles ?
Tu ne sais donc pas qu'il y a une période où la lune n'est pas
visible ?
Choukhov
secoue la tête en rigolant :
–
Du moment qu'on ne la
voit pas, comment tu sais, toi, qu'elle existe ?
Il
en a un coin bouché, le commandant :
–
T'imaginerais-tu que,
chaque mois, c'est une autre lune qui naît ?
–
Pourquoi pas ? Les
gens, il en naît bien tous les jours. Pourquoi, alors, il naîtrait
pas une lune toutes les quatre semaines ?
Il
l'a sec, le commandant :
–
Je n'ai jamais encore
rencontré de matelot aussi cancre ! qu'il fait. Où
iraient-elles alors, tes vieilles lunes ?
–
C'est tout juste ce que
je te demandais.
–
Où vont-elles, à ton
avis ?
Choukhov
soupire et, tout bas, à cause que c'est un secret :
–
Chez nous, on dit que
le bon Dieu les casse pour en fabriquer des étoiles. »
~
Quelques ouvrages disponibles
Le
Premier Cercle, Robert Laffont (Pavillon Poche), mars 2007
La
Pavillon des cancéreux, Robert Laffont (Pavillon Poche), 2011
~
Voir aussi
La
Roue rouge
L'Archipel
du Goulag
Couverture
© Robert
Laffont / Logos
& Critique © Adrien Pierrepont,
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